jeudi 22 mars 2012

Tubéreuse de printemps

Ma première rencontre avec les fleurs blanches fut avant tout littéraire, générant dans ma petite tête une foule d’images romantiques assez proche de Garbo en Dame aux Camélias, images assez lointaine de la réalité des fleurs blanches en parfumeries : charnelle, faisandée, putréfiée, lourdes…Les fleurs blanches sont tout cela, magnifiques et solaires, prodigieuses de tenue et d’intensité, difficiles à manier faisant en bouquet des parfums géants et disproportionnés que l’on ose plus trop de nos jours : trop bourgeois ou trop années ’80…  Mon habitude de parsemer mes appartements de bouquets blancs aurait pourtant du me mettre en garde, j’ai appris à me méfier des lys et des gardénias dont la volupté trop insistante peut se révéler mortifère

Heeley avec Ophelia tente le bouquet moderne autour de la tubéreuse, du jasmin et de l’ylang. Comme souvent, la tubéreuse écrase tout sur son passage, laissant les deux autres jouer les suivantes discrètes dans son ombre. La modernité est d’avoir choisi de jouer sur l’aspect vert, légèrement camphré de la tubéreuse pour l’alléger, tout en restant à l’écart de l’aspect médicinal que peut avoir la Criminelle de Lutens par exemple. Le bouquet commence donc par du vert, un effet de tige, une espèce de transparence un peu aqueuse, touché de muguet, avant de devenir franchement fleuri, mais assez léger, aéré ; oui, chose surprenante, la tubéreuse pour une fois sait se faire transparente et discrète, parfum de peau tenace mais bien loin de la diffusion envahissante à la quelle nous sommes habitué… On peut voir dans cet aspect, presqu’éthéré, le lien avec l’héroïne de Shakespeare, La tubéreuse est devenue romantique, délicate. Ophelia est un parfum des beaux jours qui me rend presque mes rêveries romantiques à propos des fleurs blanches. Simplement, je me demande si je ne préfère pas quand même ce Fracas qui dévaste tout sur son passage, dans un sens, c’est là, profondément qu’est la fleur blanche, pour de la délicatesse, il est peut-être plus simple d’aller voir ailleurs ? Le pari est néanmoins réussi : Ophélia, effectivement est plus moderne et renouvelle le genre en le pliant à cette école anglaise tout en délicatesse et transparence…

Attention : ne pas s’y tromper : Ophelia a une tenue longue durée et resurgit quand on ne s’y attend pas, sa légèreté n’est pas qu’une astuce de parfum trop dilué, c’est un vrai parti pris !

Ophelia, James Heeley, 2009

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