mardi 28 février 2012

Signé Shalimar

J’ai mis la main il y a peu sur un Shalimar vintage, un peu par hasard, pour saisir une occasion au vol car Shalimar ne fut et n’est pas « mon genre » à moi qui ne suis pas particulièrement porté sur les voluptés orientales. Shalimar est un vieux compagnon de voyage, de ceux qu’on aime parce qu’ils sont fiables, toujours présents, réconfortants, agréables mais dont on ne songe pas un instant à demander la main même si on les aime beaucoup…

Je trouve qu’il n’est pas celui qui a le plus souffert chez Guerlain : alors que certain ne sont plus que de pâles fantômes, des ombres d’eux-mêmes, Shalimar se maintient, garde du corps et même de l’esprit. Le flacon vintage m’a surpris : je pensais retrouver une bergamote beaucoup plus présente et finalement, non, pas vraiment. Certes, comme je le pensais Shalimar semble avoir été compressé, effectivement modernisé, pour devenir un monolithe peu évolutif mais c’est surtout la qualité des matériaux de la version ancienne qui surprend : tout est beaucoup plus fluide, soyeux.

La version actuelle me semble du coup un peu rude et un peu clinquante, je ne dirais pas artificielle car je ne parle pas en termes de matière naturelles ou pas (je me moque un peu de ce genre de détails technique) mais factice, un peu trop brillante, manquant de cette patine qui caractérise l’ancienne version, cette patine un peu poudrée qui rend Shalimar si aimable et si flatteur… Il apparaît aussi comme moins pâtissier, un peu plus abstrait, fondu. Son évolution se fait en douceur et non par  à-coup, le fond se prolonge indéfiniment tout en douceur musquée-vanillée… Je ne dirai jamais à quel point je pense que Jacques Guerlain était le génie de la famille, l'un des créateurs les plus doués du XXème siècle, dont les compositions doivent être senties absolument.

La tenue vintage est imbattable : Shalimar embaume l’appartement, transformant le panier de linge sale en pot-pourri de luxe, marquant les foulards qui se sont frottés contre la peau, ressurgissant des vêtements au repassage. Shalimar n’en fini pas de m’enserrer alors même que je ne le porte pas, correspondant tout à fait à l’idée que je me fais d’un parfum-signature qui s’attarde partout, signale que ces objets, ces lieux vous appartiennent, ne vous lâchant plus, parfumant chaque geste de la vie quotidienne, finissant de superposition en superposition par faire partie de vous, laissant un sillage enchanteur, une présence. Shalimar est une trace qui ne se laisse pas oublier. Dans le fond, Shalimar est fait pour les fidèles.
Ce que je ne suis pas.


Shalimar, Jacques Guerlain pour Guerlain, 1925

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