mercredi 21 septembre 2011

Jamais sans ma gaine?

J’adore le V&A, immense palais victorien dont on n’a jamais fait le tour qui se voue aux arts appliqués, ou décoratifs, mais les deux appellations semblent honteusement péjoratives, ou pendant des heures j’aime me balader contemplant meubles, argenterie, vêtements, statues, bijoux, paravent, jouant à monter une chaise en kit du XVIIIème siècle (plus compliqué que les kits Ikéa !) ou essayant sans succès de nouer un obi, à la plus grande joie des touristes japonais qui m’ont croisé ce jour-là. Le musée vaut aussi par son bookshop, forcément en anglais, mais bon, même moi, je peux lire ces ouvrages dans la langue de Shakespeare, qui regorge de livres absolument passionnant sur le mobilier, la décoration, les collections et la mode. (Soyons juste, la librairie des Arts Décoratifs à Paris est bien aussi).

J’y ai trouvé, ou plutôt retrouvé l’ouvrage d’Anne Fogarty que je me suis enfin décidé à acheter. Publié en 1959, the art of being a well dressed wife est un de ces petits bijoux de guide comme les anglaises semblent les adorer. (C’est en Angleterre que ce genre d’ouvrage s’écoule comme des petits pains, dixit un ancien Vogue) Perso, j’adore aussi à tous les degrés, parce que j’aime le chiffon et ce qu’on écrit à son propos, surtout dans ce ton un peu sentencieux qu’ont toujours rédacteurs et rédactrices de ce genre de guide, ton qui rend involontairement les ouvrages assez drôle avec le recul des années. La mode changeant, c’est typiquement le genre de livre qui vieillit terriblement vite. Mais en même temps, c’est une mine d’information sur le passé, les mœurs et les vêtement, au même tire que le cinéma et bien plus que les magazines de mode. Si quelqu’un a jamais trouvé que la rue ressemblait à une page du Elle spécial mode du mois de septembre, il n’habite clairement pas dans le même rue que moi…

Anne Fogarty était styliste pour les magasins Saks. L’ouvrage est daté de 1959, pile poil le moment ou commence la série Mad Men, si vous voulez un look Betty Draper, voila ou allez chercher des idées. Clairement, il est terriblement daté fifties et New Look plus qu’années ’60 et révolution. L’intitulé en dit long, c’est un ouvrage pour les épouses, même si elles travaillent, absolument pas féministe : la femme se doit de plaire à son seigneur et maître qui sera fier d’elle. Le wife-dressing est défini comme "a contributing factor to a happy marriage." WAW! Oui, c’est rétrograde et sexiste. Ça ne renvoi pas nécessairement la femme au rôle d’objet sexuel, mais bien  à celui de bonniche ou de servante. Mais une servante qui doit plaire, d’ailleurs, Anne conseille de se lever 20 minutes avant l’époux pour avoir le temps d’enfiler de jolis vêtements pour le petit déjeuner et de se refaire une beauté, pas question de cuire les œufs brouillés de monsieur sans avoir passé une brosse dans ses cheveux et sans s’être mis du rouge à lèvre. Et là, toutes les filles ou à peu près doivent être contentes d’avoir échappé à ce genre de chose. Ça fait tout de suite chuter la nostalgie qu’on peut éprouver envers le New Look. Pourtant très joli, mais…

Coté bon conseil, l’ouvrage tourne surtout autour de « le bon vêtement pour la bonne occasion » de façon un peu excessive : pour un voyage de 10 jours, Madame Fogarty prend 18 robes et 20 paires de chaussures. Je n’ai pas 20 paires de chaussures dans ma garde-robe. Peut-être que je n’ai rien à me mettre ou peut-être qu’Anne n’est pas très réaliste… Le conseil majeur et absolu, c’est "JAMAIS SANS GAINE." Je ne commente même pas. Sinon, les conseils en soi ne sont pas mauvais et le ton est plutôt sympathique. Les cotés agaçant sont dus à l’époque, pas vraiment à l’auteur. Et certains conseils sont toujours d’actualité. Privilégier la qualité, par exemple : c’était vrai et ça l’est encore. Il vaut mieux un bon coton bien taillé qu’une mauvaise soie mal bâtie : vrai en 1959, en 1982 et en 2011.

Tote-bag - I sincerely believe is the best thing that happens to wwoman since the vote.

Au second degré, prendre le livre comme petite bible rétro pour un après-midi entre copines peut-être amusant. L’ouvrage, lu sans espoir d’y trouver la moindre aide quand à la façon de s’habiller est plaisant et instructif, comme une petite incursion dans la vie de nos grand-mères, parsemée de "Oh My God, Anne, redescends sur terre s’il te plait !"

Anne Fogarty, The art of being a well Dressed Wife, V&A Publishing

January Jones dans Mad Men


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