mercredi 13 avril 2011

Retour en arrière


Lauren Bacall
 Avec les beaux jours, ma passion pour les grands aldéhydés floraux reprend de plus belle. Je me plonge avec joie dans ces parfums anciens et trop souvent délaissés au profit de formules moins belles mais plus faciles, plus accessibles. Tous un peu dérivés de mon cher N°5 et de son jumeau secret N°22, ils ont été furieusement à la mode et avec le recul, nous contemplons les vestiges de leur splendeurs passées en les confondant un peu tous, n’accordant notre attention qu’au seul chef d’œuvre de Chanel et traitant tous les autres comme de vagues imitations, de simples dérivés. C’est un peu injuste, car si comme tous les enfants d’une même famille ils présentent de fortes ressemblances, ils ont des personnalités distinctes, des qualités propres.



Lauren Bacall
Baghari de Robert Piguet est réédité depuis quelques années. Je ne sais à quel point la formule a été revue, mais l’effet vintage est bien présent. C’est un long flashback vers les années ’50 qui nous saisi et nous plonge dans une atmosphère de laque, jupes amples, tailles étranglées, manteaux de fourrures, etc. Les aldéhydes sont extrêmement présents, entre savon et poudre, évoquant le brushing, pour un effet brillant, scintillant qui se fait remarquer. L’effet surprend : nous nous sommes habitués à les considérer comme de simples adjuvants, oubliant qu’ils peuvent avoir une valeur propre. Baghari ne prétend pas à la discrétion, il est élégant, jouant la carte classique rose et jasmin, pas tapageur mais bien présent, restant longtemps sur la peau en jouant le poudré vanillé ambré. L’ouverture, assez longue, est absolument fascinante, impossible de m’en lasser : c’est une coupe de champagne qui pétille, un peu amère, un peu aigre, totalement addictive.


Lauren Bacall

Le parfum semble fonctionner par trace, par souvenir : sillage d’une inconnue dans les couloirs d’un grand hôtel, trace de poudre dans une salle de bain, reste de chaleur dans une fourrure. Il n’évoque pas de souvenirs précis, mais crée sa propre histoire, sa fiction bien à lui: adultère mondain ou Duchesse de Langeais 1950. Il y a du mystère, des non-dits. Des répliques drôles, spirituelles, un peu désabusée. Je vois bien le rôle joué par Lauren Bacall.

La dame qui habite ce parfum est autoritaire, plus élégante que belle, peut-être, et pleine d’intentions qui risquent de vous échapper : elles ne sont pas exprimées directement. Baghari est une lady : elle ne peut pas se balader avec « baise-moi » écrit sur le front. Pour ça, il y a d’autres parfums, plus modernes, plus directs. Tellement moins intéressants. En attendant, laisser-moi encore un peu dans mon petit monde, loin de la réalité.



Baghari, Francis Fabron (1950) Aurélien Guichard (2006) pour Robert Piguet

7 commentaires:

  1. Bonjour Dau,

    Je sais maintenant pourquoi, à force de lire tes descriptions pour le N°5, N°22, Arpège et maintenant Baghari, j'ai beaucoup de mal à associer ces parfums là avec la fourrure !

    J'ai des souvenirs d'odeur de fourrures portées par ma grand mère paternelle plutôt traumatisante. Enfant j'étais très triste de la voir porter en guise d'écharpe une peau de bestiole morte. On y voyait encore l'emplacement des pattes, des yeux, du museau,...

    Et elle, que j'aimais énormément et que j'admirais, portait cela avec fierté quand elle sortait. Elle avait aussi un manteau noir que je trouvais bizarre, des bouclettes noires soyeuses, dont elle me disait que c'était du ?!? très cher, très grande dame. Elle me paraissait si distante alors...

    C'était la grande dame élégante qui sortait, qui m'abandonnait un peu... Alors qu'enfant, j'aimais tant me réfugier dans ses bras de Bonne-Maman.
    Et puis cette odeur de poussière dans ses fourrures si peu portées finalement,... Aaaah Atchoum !!! Ça faisait mauvais ménage avec mon asthme.

    Pourtant, j'en suis certaine, elle portait un parfum aldéhydé, mais lequel ???
    Pas le numéro 5, j'en suis certaine, je lui ai demandé quand elle vivait encore... D'où mon amour pour les aldéhydes très certainement ! ;-)
    C'était vraiment une femme avec un fort caractère, généreuse, tolérante, avec beaucoup d'humour et un gros coeur. Une main de fer dans un gant de velours tout doux.

    Les aldéhydes font des émules, ma petite louloute, qui va nettement mieux, vient de chiper le N°22. Elle sent divinement bon. "Maman, j'aime bien celui-là aussi, tu l'achètes ?" C'est peut-être une idée mais sur elle, il me fait penser à Lipstick Rose en beaucoup plus léger ???

    Bon Week-End,
    Bises,
    Vivi

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  2. Bonsoir Dau,

    Après avoir reçu et testé sur mouillette tous les parfums de Rosine, dont 5 sur peau, je me pose une question : les roses aldéhydés ou accompagnées d'Iris, je les ai souvent confondues dans les notes de départ, est-ce semblable au nez d'une débutante ?

    Ça m'a un peu perturbée, mais bon, je me dis que ça viendra et je reconnais quelques familles (oriental, aquatique, gourmande, fougère,...), quelques matières (fleur d'oranger, hespéridée, épicée, verte,...), en cours d'apprentissage olfactif...

    Bonne soirée,
    Bises,
    Vivi

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  3. Moi je ne vois pas de lien mais les deux sont peut-être associer à un parfum senti autrefois qui contenait aldéhydes et iris?

    Je vois les aldéhydes comme une aura solaire, doré (ou lunaire quand ils sont très blancs, je dirais platine plutôt qu'or dans ce cas là) et l'iris comme un effet soyeux (comparable à un cuir très travaillé, très fin, qu'on confondrait avec du tissu) ou velouté-poudré. Pour moi, ce n'est donc pas du tout le même registre, mais ça dépend vraiment de ce que chacun peut y voir ou y associer...

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  4. Les floraux aldéhydés, c'est "mon truc" de la belle saison. Assez grand-mère mais avec du caractère, effectivement. Le coté grande dame rétro, j'adore et j'assume complètement. Arpège est le seul que je trouve vraiment "fourrure" en fait. Les autres sont portés avec fourrures parce qu'il font partie de la garde-robe de la femme élégante fifties au même titre que les fourrures, mais c'est à peu près tout.

    Tu dois avoir un petit coté rétro aussi, Vivi. Pas vieillot, j'insiste, non. Délicieusement vintage!

    Si la petite pousse à craquer, pourquoi résister? (pour le fête des mères?) Le coté Lipstick, peut être dans le fond talc du N°22 et le coté poudre de riz du Lipstick Rose? Les deux sont définitivement vintage en tous cas. Que ce soit authentique (89 ans cette année le 22 quand même!) ou non. Mais on s'en fout, même si Lipstick Rose est né de la dernière pluie, il fait totalement old fashioned.

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  5. Oui, oui, je confirme, j'ai bien un côté rétro que j'assume.

    J'aime la patine du temps sur les choses...
    J'aime les vieux meubles que je retape avec les délicieuses odeurs de cire, huile, térébenthine, terre colorée en poudre,...
    j'aime les vieux ustensiles de cuisine avec une petite préférence pour l'art-déco et l'art nouveau ; les petits services anciens à fleurs,...
    Je fais attention quand même à ne pas verser dans le kitch ou le côté mémère, je suis parfois vraiment sur le fil ;-)

    Bonne nuit,
    Bises,
    Vivi

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  6. J'ai ce même coté rétro assumé.

    Bien qu'un fois on m'ai dit surpris "mais ça fait vieux chez toi, je m'attendais à ce que ce soit super moderne!" parce que j'aime aussi des choses moderne mais je me sens mieux dans la patine moi aussi.

    Chanel avait aussi ce coté brocanteuse qui accumule quand on voit les photos de son appartement rue Cambon et ça ne l'a pas empêché de faire la modernité en mode et en parfum... Il faut savoir concilier les contraires!

    Et quand on aime les floraux aldéhydés, impossible de tromper son monde...

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