mercredi 8 décembre 2010

à la niche?

Le commentaire de Thierry à propos de (untitled) m’a un peu forcé à m’interroger sur le concept de niche qui me semble de plus en plus flou, tant les deux types de parfumeries tendent à se rejoindre. Qu’es-ce qui fait qu’un parfum relève du mainstream pur et dur ou de la niche élitiste ?

L’argent qui est derrière ? Probablement pas, de plus en plus de « petites » marques considérées traditionnellement comme « de niche » appartiennent désormais à de grands groupes à l’assise solide quand elles ne sont pas nées en leur sein. De même certaines séries « exclusives » qui naissent dans de prestigieuses maisons, ayant pignon sur rue, comme les exclusifs Chanel, ou les heures Cartier, qui bénéficient des campagnes de publicité de la marque même si on évite soigneusement de les mettre en scène pour leur préserver un coté secret d’initiés. La distribution ? Ne pas être dans la première parfumerie venue ? Quid de Lutens qui se retrouve dans chez Séphora, y compris les éditions limitées en excursion hors des Salons….

Finalement, je ne vois pas beaucoup de critères objectifs, ça se passe plutôt dans l’idée, l’ambiance générale à ce qu’il me semble.

Une volonté d’oser la création, avec un vrai parti pris plutôt que s’aligner sur des tests consommateurs. La qualité privilégiée. Une communication différente, plus direct à travers les échantillons, un réseau de boutiques propres avec des vendeurs qui connaissent le produits, ou des multimarques qui n’essayent pas de présenter tout en même temps parce que plus serait forcément mieux, etc. La rareté vient naturellement… Effectivement, il y a un coté segmentant : la niche n’est pas pour tout le monde. Dans l’absolu, on sent que chacune vise son propre public, ses fans, une partie faible de la population, mais qui est beaucoup plus fidèle à la marque parce qu’elle s’y retrouve.

Oui, souvent, ce sont de petites marques parce que ceux qui ont des moyens préfèrent la jouer safe ayant plus à perdre en cas d’échec et pouvant se permettre de soigner la publicité. Quand on manque de moyen, il vaut mieux être audacieux, seul le produit peut convaincre. En même temps, combien maintenant peuvent enfin s’offrir de jolies vitrines via le net ? C’était plus difficile il y a 20 ou 30 ans pour Goutal et Diptyque que pour les nouveaux venus.

Je ne peux pas m’empêcher de penser aussi que ce marché là est saturé aussi. Il y a presqu’autant de lancement de niche que de mainstream. Les marques pullulent et ceux qui sont établis sortent des créations à tour de bras. Là aussi, j’ai envie de dire que c’est trop. J’en ai assez des variations sur … qui finissent par se ressembler plus ou moins. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, mais une construction trop ambitieuse s’écroule. C’est bien de pouvoir choisir entre X variations sur l’ambre. Mais le résultat est qu’on ne sait plus choisir, que tout se ressemble quand même un peu. Tous les défauts du mainstream, finalement. En disant ça, je pense surtout à ces monomatières dont on nous a un peu saturés ces derniers temps puisque ça avait si bien réussi à Lutens…

Les maisons vraiment intéressantes, il n’y en a pas tellement : celles qui se sont établies dans la durée, les valeurs sûres. Quant aux autres, il faut leur laisser le temps d’exprimer une vision, une cohérence, mais elles sont si nombreuses qu’il risque d’y avoir peu de survivantes et que ce ne seront pas forcément les plus intéressantes, peut-être celles qui comme la Maison Margiela justement auront eu la chance d’avoir un grand groupe derrière elle. Même si je ne suis pas fan d’(untitled) je trouve que oui, il peut postuler dans le rayon niche, qu’il peut être le premier d’une histoire intéressante et j’aime mieux le voir en niche qu’en mainstream parce que là au moins il rencontrera peut-être un public et il aura peut-être des petits frères plus convaincants au lieu de sombrer immédiatement comme ce serait le cas chez Séphora, au détriment de choses plus belles, probablement, mais ça me choque moins que la ligne exclusive de Tom Ford ou la résurrection de Grossmith qui ont pour vision unique le luxe et les prix qui vont avec. J’aime le luxe, mais le luxe, c’est bien autre chose que des matières onéreuses et le sentiment de faire partie des happy few.

Globalement, l’offre est évidement bien plus tentante et plus propre à satisfaire le client du coté des niche, y compris le client lambda qui ne s’y trompe pas forcément lors de tests à l’aveugle, mais à ce rythme là, pour combien de temps encore ? Avant que la surenchère n’ai mené cette économie parallèle à être un clone de l’autre ?

3 commentaires:

  1. Il ne reste plus à espérer que les niches fassent faillite parce que là vraiment c'est l'overdose !!!
    Une nouvelle marque vient de débarquer au Printemps à Paris : So Oud avec notamment un parfum baptisé Burqa : cela laisse songeur...

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  2. Non, il nous reste encore de vraies jolies choses. Rares, certes, dans les nouveautés, mais quand même... L'Artisan et Goutal nous font régulièrement des choses très belles. Annick Goutal a même réussi avec sa Mandragore Pourpre à faire un "néo-chypre" que je trouve interessant, c'est dire si de bonne surprises sont possibles.

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  3. Oui, oui, bien sûr ce n'est certainement pas à ces deux marques que je pensais qui conservent toute leur légitimité. L'Artisan est même de plus en plus créatif, quand B. Duchaufour s'attaque à un thème déjà vu (vanille et tubéreuse). Quant à Goutal, même si je préfère les créations du temps d'Annick, les derniers parfums restent de très grande qualité.

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